Page:Corbière - Les Amours jaunes, 1926.djvu/29

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crispées sous le vent du large, des cirques de sable pâle et ténu comme une poussière d’ossements, des rochers au pacage dans les dunes comme des troupeaux de mammouths… Et tout cela, qui était une Bretagne dure, rugueuse, déshabillée de ses grâces d’églogue, s’incrustait dans ses yeux profonds et sans indulgence, des yeux qui « voyaient trop » — pour nous changer peut-être de ceux qui ne voyaient pas assez. Aussi, l’heure venue, comme il la peindra au vif, cette Bretagne insoupçonnée des Chateaubriand et des Brizeux, comme il la campera sur son roc de misère, dans la grande immensité hostile, avec ses haillons, ses plaies, sa vermine et ses oremus !

C’est le Pardon. Liesse et mystères !
Déjà l’herbe rase a des poux…

Il faut lire toute la pièce (la Rapsode foraine) ou plutôt il faut la laisser se déployer devant soi. C’est le chef-d’œuvre du réalisme lyrique. Dans cette grande fresque barbare, violemment coloriée et d’une fougue d’exécution prodigieuse, tient à l’aise toute la Bretagne des pardons et des calvaires, celle qui chante et celle qui mendie, celle