Page:Corday - La Vie amoureuse de Diderot.djvu/116

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homme sans avoir voyagé avec lui. Il faut ajouter : et sans l’avoir gardé pendant une maladie longue et sérieuse. Je suis moins excédé de fatigue que d’impatience. J’entends les plaintes les plus douloureuses pendant la nuit ; je me lève, je vais savoir ce que c’est, et ce n’est rien. »

Mais s’il fait de petites concessions quotidiennes à la vie conjugale, il y fait aussi de grands sacrifices, qui s’étendent sur son existence entière. Pour assurer le bien-être de sa femme, pour amasser une dot à sa fille, n’a-t-il pas accepté des besognes régulières, d’écrasants labeurs, au lieu de suivre son caprice et son génie ? « Combien de démarches auxquelles on se résout pour sa femme et ses enfants et qu’on dédaignerait pour soi ! Marié, père de famille, voilà forcé d’abandonner les mathématiques que j’aimais, Homère et Virgile, que je portais toujours dans ma poche, le théâtre pour lequel j’avais tant de goût. » Et, prenant toujours Sophie à témoin, il lui confesse que s’il avait à se faire valoir près de sa femme et de sa fille, il leur dirait : « J’ai préféré de faire, contre mon goût, ce qui vous était utile à ce qui m’était agréable. »