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Page:Corday - La Vie amoureuse de Diderot.djvu/172

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feu à la cheminée du salon. Elle est grasse et blanche, à soixante ans. Un familier du lieu, qui s’est attardé au coin du feu, feint de la poursuivre et de l’entreprendre. Et on l’entend crier : « À moi, mes gendres !… Ah ! s’il me fait un enfant, tant pis pour vous. » Elle estropie tous les noms et s’obstine à appeler l’Encyclopédie la Socoplie. Diderot le lui pardonne. Il estime autant cette aimable folie que la grâce parfaite de Mme d’Holbach, l’intelligence lucide, l’inépuisable érudition du baron.

Il aime la bonne chère du Grand val. Car il est grand mangeur et grand buveur autant que grand causeur. Il s’en excuse : « Ne pourrai-je jamais, comme disait Mme de Sévigné, qui était aussi bavarde et aussi gloutonne, ne plus manger et me taire ! » Il confie, trop fidèlement, à Sophie, ses excès de table et leurs suites. Souvent, elle l’exhorte à la sobriété. Mais il désespère de s’amender. « Non, chère amie, vous avez beau prêcher la sobriété, vous ne m’ennuierez point ; je verrai toujours l’intérêt que vous prenez à ma santé, et je ne m’en corrigerai pas davantage… Je mange de distraction ; que faut-il