Page:Corday - La Vie amoureuse de Diderot.djvu/191

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vint à moi. N’étais-je pas ce visiteur qui lui avait écrit pour lui sous-louer quelques chambres ? Hélas non. Pour justifier ma présence, je lui expliquai que Diderot avait habité quinze ans la maison principale. J’ajoutai que, selon quelques historiens qui ne m’ont pas convaincu, il y serait même mort. Elle hocha la tête et me dit :

— Oh ! voilà dix-neuf ans que j’habite ici. Je l’aurais su.

Cependant, le soir approchait. Diderot aurait très bien pu revenir. Rien ne l’aurait déconcerté. Point d’autos. Elles évitent le pavé houleux, qui date sûrement du dix-huitième. Le rideau de peupliers de l’île Séguin, tendu juste devant la maison, masque Paris. J’imaginais le philosophe, au bras de son ami Belle, au retour d’une promenade dans ces bois charmants de Bellevue, de Meudon, de Saint-Cloud, tout bruissants de soupirs d’amour, où tant de fois il avait accompagné Sophie Volland.

Il se reposerait sur ce banc, sous les tilleuls de la terrasse, la main appuyée sur sa canne, le col dégagé, le front lumineux dans la pénombre. Et il rêverait.