Aller au contenu

Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 1.djvu/129

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
3
AU LECTEUR

toutes assez régulières, avec cette différence toutefois, que les règles sont observées avec plus de sévérité dans les unes que dans les autres ; car il y en a qu’on peut élargir et resserrer, selon que les incidents du poëme le peuvent souffrir. Telle est celle de l’unité de jour, ou des vingt et quatre heures. Je crois que nous devons toujours faire notre possible en sa faveur, jusqu’à forcer un peu les événements que nous traitons, pour les y accommoder ; mais si je n’en pouvois venir à bout, je la négligerois même sans scrupule, et ne voudrois pas perdre un beau sujet pour ne l’y pouvoir réduire. Telle est encore celle de l’unité du lieu, qu’on doit arrêter, s’il se peut, dans la salle d’un palais, ou dans quelque espace qui ne soit pas de beaucoup plus grand que le théâtre, mais qu’on peut étendre jusqu’à toute une ville, et se servir même, s’il en est besoin, d’un peu des environs. Je dirois la même chose de la liaison des scènes, si j’osois la nommer une règle ; mais comme je n’en vois rien dans Aristote ; que notre Horace n’en dit que ce petit mot : Neu quid hiet[1], dont la signification peut être douteuse ; que les anciens ne l’ont pas toujours observée, quoiqu’il leur fût assez aisé, ne mettant qu’une scène ou deux à chaque acte ; que le miracle de l’Italie, le Pastor Fido[2], l’a entièrement

    Pompée, le Menteur et la Suite du Menteur). Rouen et Paris, 1648, petit in-12. Cette seconde partie est destinée à compléter la première partie de 1644 et la réimpression qui en a été faite en 1648. L’avis au lecteur a été reproduit dans les éditions de la seconde partie, jusqu’en 1657.

  1. Ce petit mot, que Corneille cite de mémoire, n’est pas d’Horace. I] y a dans la xvie idylle d’Ausone, de Viro bono, un vers qui commence par Ne quid hiet, mais où il s’agit de tout autre chose que de la liaison des scènes ; et dans l’Art poétique d’Horace (v. 194), on lit un précepte ainsi concu : Neu quid medios intercinat actus, ete., précepte relatif au chant du chœur entre les actes. Corneille aurait-il confondu ces deux passages ?
  2. Cette tragi-comédie pastorale de Guarini, représentée pour la