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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 1.djvu/169

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DU POËME DRAMATIQUE.

posture tenir, s’il arrivoit une heure plus tard. Je ne l’ai introduit qu’au cinquième acte non plus qu’eux ; mais j’ai préparé sa venue dès le premier, en faisant dire à Œdipe qu’il attend dans le jour la nouvelle de la mort de son père. Ainsi dans la Veuve, bien que Célidan ne paroisse qu’au troisième, il y est amené par Alcidon, qui est du premier. Il n’en est pas de même des Maures dans le Cid, pour lesquels il n’y a aucune préparation au premier acte. Le plaideur de Poitiers dans le Menteur avoit le même défaut ; mais j’ai trouvé le moyen d’y remédier en cette édition[1], où le dénouement se trouve préparé par Philiste, et non plus par lui.

Je voudrois donc que le premier acte contînt le fondement de toutes les actions, et fermât la porte à tout ce qu’on voudroit introduire d’ailleurs dans le reste du poëme[2]. Encore que souvent il ne donne pas toutes les lumières nécessaires pour l’entière intelligence du sujet, et que tous les acteurs n’y paroissent pas, il suffit qu’on y parle d’eux, ou que ceux qu’on y fait paroître aient besoin de les aller chercher pour venir à bout de leurs intentions. Ce que je dis ne se doit entendre que des personnages qui agissent dans la pièce par quelque propre intérêt considérable, ou qui apportent une nouvelle importante qui produit un notable effet. Un domestique qui n’agit que par l’ordre de son maître, un confident qui reçoit le secret de son ami et le plaint dans son malheur, un père qui ne se montre que pour consentir ou contredire le mariage de ses en-

  1. Ces mots se trouvent déjà dans l’édition de 1660, et par conséquent Corneille avait fait dès lors dans le Menteur le changement dont il est ici parlé.
  2. Var. (édit. de 1660) : Je voudrois donc que le premier acte contînt si bien le fondement de toutes les actions, qu’il fermât la porte à tout le reste.