Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 1.djvu/168

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du chœur, qui est la borne du prologue, à la première fois qu’il demeurait seul sur le théâtre et chantait : jusque-là il n’y était introduit que parlant avec un acteur par une seule bouche, ou s’il y demeurait seul sans chanter, il se séparait en deux demi-choeurs, qui ne parlaient non plus chacun de leur côté que par un seul organe, afin que l’auditeur pût entendre ce qu’ils disaient, et s’instruire de ce qu’il fallait qu’il apprît pour l’intelligence de l’action.

Je réduis ce prologue à notre premier acte, suivant l’intention d’Aristote, et pour suppléer en quelque façon à ce qu’il ne nous a pas dit, ou que les années nous ont dérobé de son livre, je dirai qu’il doit contenir les semences de tout ce qui doit arriver, tant pour l’action principale que pour les épisodiques, en sorte qu’il n’entre aucun acteur dans les actes suivants qui ne soit connu par ce premier, ou du moins appelé par quelqu’un qui y aura été introduit. Cette maxime est nouvelle et assez sévère, et je ne l’ai pas toujours gardée ; mais j’estime qu’elle sert beaucoup à fonder une véritable unité d’action, par la liaison de toutes celles qui concurrent dans le poème. Les anciens s’en sont fort écartés, particulièrement dans les agnitions, pour lesquelles ils se sont presque toujours servis de gens qui survenaient par hasard au cinquième acte, et ne seraient arrivés qu’au dixième, si la pièce en eût eu dix. Tel est ce vieillard de Corinthe dans l’Oedipe de Sophocle et de Sénèque, où il semble tomber des nues par miracle, en un temps où les acteurs ne sauraient plus par où en prendre, ni quelle