Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 1.djvu/274

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90Mille sottes frayeurs lui brouillent la cervelle[1] ;
Ce n’est plus lors qu’une aide à faire un favori[2],
Un charme pour tout autre, et non pour un mari.

ÉRASTE.

Ces caprices honteux et ces chimères vaines
Ne sauroient ébranler des cervelles bien saines,
95Et quiconque a su prendre une fille d’honneur
N’a point à redouter l’appas[3] d’un suborneur.

TIRCIS.

Peut-être dis-tu vrai ; mais ce choix difficile
Assez et trop souvent trompe le plus habile,
Et l’hymen de soi-même est un si lourd fardeau,
100Qu’il faut l’appréhender à l’égal du tombeau.
S’attacher pour jamais aux côtés d’une femme[4] !
Perdre pour des enfants le repos de son âme !
Voir leur nombre importun remplir une maison[5] !
Ah ! qu’on aime ce joug avec peu de raison !

ÉRASTE.

105Mais il y faut venir ; c’est en vain qu’on recule,
C’est en vain qu’on refuit, tôt ou tard on s’y brûle[6] ;
Pour libertin qu’on soit, on s’y trouve attrapé :
Toi-même, qui fais tant le cheval échappé[7],
Nous te verrons un jour songer au mariage[8].

TIRCIS.

110Alors ne pense pas que j’épouse un visage :

  1. Var. S’il advient qu’à ses yeux quelqu’un la galantise. (1633-57)
  2. Var. Ce n’est plus lors qu’un aide à faire un favori. (1633-60)
  3. Corneille ne distingue pas par l’orthographe appât (appâts) et appas, dont nous faisons deux mots. Il écrit appas dans tous les sens, tant au singulier qu’au pluriel.
  4. Var. S’attacher pour jamais au côté (a) d’une femme. (1633-54)

    (a) Dans l’édition de 1657 : « aux côté d’une femme. » La faute est-elle à l’article ou au nom, et faut-il lire au côté ou aux côtés ?

  5. Var. Quand leur nombre importun accable la maison. (1633-57)
  6. Var. C’est en vain que l’on fuit, tôt ou tard on s’y brûle. (1633-57)
  7. Var. Toi-même qui fais tant du cheval échappé. (1660-63)
  8. Var. Un jour nous te verrons songer au mariage. (1633-60)