Tout ce qu’ont les enfers de feux, de fouets, de chaînes[1],
Ne sont auprès de lui que de légères peines ;
On reçoit d’Alecton un plus doux traitement.
Souvenir rigoureux, trêve, trêve un moment[2] !
Qu’au moins avant ma mort dans ces demeures sombres
Je puisse rencontrer ces bienheureuses ombres !
Use après, si tu veux, de toute ta rigueur,
Et si pour m’achever tu manques de vigueur,
Cesse de me gêner durant ce peu d’espace.
Je vois déjà Mélite. Ah ! belle ombre, voici
L’ennemi de votre heur qui vous cherchoit ici :
C’est Éraste, c’est lui, qui n’a plus d’autre envie
Que d’épandre à vos pieds son sang avec sa vie :
Ainsi le veut le sort, et tout exprès les Dieux
L’ont abîmé vivant en ces funestes lieux.
Pourquoi permettez-vous que cette frénésie
Règne si puissamment sur votre fantaisie ?
L’enfer voit-il jamais une telle clarté ?
Aussi ne la tient-il que de votre beauté ;
Ce n’est que de vos yeux que part cette lumière.
- ↑ Var. Oui, ce qu’ont les enfers, de feux, de fouets, de chaînes. (1644-63)
- ↑ Var. De grâce, un peu de trêve, un moment, un moment. (1633)
- ↑ Var. Il montre son épée. (1633, en marge.) — Ce jeu de scène n’est point indiqué dans les éditions de 1644-60.
Implacable bourreau, tu vas seul étouffer
Celui dont le courage a dompté tout l’enfer.
Qu’il m’eût bien mieux valu céder à ses furies !
Qu’il m’eût bien mieux valu souffrir ses barbaries,
Et de gré me soumettre, en acceptant sa loi,
À tout ce que sa rage eût ordonné de moi !
Tout ce qu’il a de fers, de feux, de fouets, de chaînes,
Ne sont auprès de toi que de légères peines. (1633)