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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 1.djvu/359

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ACTE V, SCÈNE II.
LA NOURRICE.

Ce n’est que de mes veux ! Dessillez la paupière,
Et d’un sens plus rassis jugez de leur éclat.

ÉRASTE.

1510Ils ont, de vérité, je ne sais quoi de plat ;
Et plus je vous contemple, et plus sur ce visage
Je m’étonne de voir un autre air, un autre âge :
Je ne reconnois plus aucun de vos attraits.
Jadis votre nourrice avoit ainsi les traits,
1515Le front ainsi ridé, la couleur ainsi blême,
Le poil ainsi grison. Ô Dieux ! c’est elle-même.
Nourrice, qui t’amène en ces lieux pleins d’effroi[1] ?
Y viens-tu rechercher Mélite comme moi ?

LA NOURRICE.

Cliton la vit pâmer, et se brouilla de sorte[2]
1520Que la voyant si pâle il la crut être morte ;
Cet étourdi trompé vous trompa comme lui.
Au reste, elle est vivante, et peut-être aujourd’hui
Tircis, de qui la mort n’étoit qu’imaginaire,
De sa fidélité recevra le salaire.

ÉRASTE.

1525Désormais donc en vain je les cherche ici-bas ;
En vain pour les trouver je rends tant de combats.

LA NOURRICE.

Votre douleur vous trouble, et forme des nuages
Qui séduisent vos sens par de fausses images :
Cet enfer, ces combats ne sont qu’illusions[3].

ÉRASTE.

1530Je ne m’abuse point de fausses visions :

  1. Var. Nourrice, et qui t’amène en ces lieux pleins d’effroi ? (1633-60)
  2. Var. Cliton la vit pâmer, et se troubla de sorte. (1660)
  3. Var. Cet enfer, ces combats, ne sont qu’illusion.
    ér. Je ne m’abuse point ; j’ai vu sans fiction
    Ces monstres terrassés se sauver à la fuite. (1633-57)