Aller au contenu

Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 1.djvu/360

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
234
MÉLITE.

Mes propres yeux ont vu tous ces monstres en fuite,
Et Pluton de frayeur en quitter la conduite.

LA NOURRICE.

Peut-être que chacun s’enfuyoit devant vous,
Craignant votre fureur et le poids de vos coups ;
1535Mais voyez si l’enfer ressemble à cette place :
Ces murs, ces bâtiments, ont-ils la même face ?
Le logis de Mélite et celui de Cliton
Ont-ils quelque rapport à celui de Pluton ?
Quoi ? n’y remarquez-vous aucune différence ?

ÉRASTE.

1540De vrai, ce que tu dis a beaucoup d’apparence[1].
Nourrice, prends pitié d’un esprit égaré
Qu’ont mes vives douleurs d’avec moi séparé :
Ma guérison dépend de parler à Mélite.

LA NOURRICE.

Différez pour le mieux un peu cette visite,
1545Tant que, maître absolu de votre jugement,
Vous soyez en état de faire un compliment.
Votre teint et vos yeux n’ont rien d’un homme sage ;
Donnez-vous le loisir de changer de visage[2] :
Un moment de repos que vous prendrez chez vous…

  1. Var. [De vrai, ce que tu dis a beaucoup d’apparence.]
    Depuis ce que j’ai su de Mélite et Tirsis,
    Je sens que tout à coup mes regrets adoucis
    Laissent en liberté les ressorts de mon âme ;
    Ma raison par ta bouche a reçu son dictame.
    Nourrice, prends le soin d’un esprit égaré,
    Qui s’est d’avecque moi si longtemps séparé :
    [Ma guérison dépend de parler à Mélite.] (1633-57)
  2. Var. [Donnez-vous le loisir de changer de visage ;]
    Nous pourvoirons après au reste en sa saison,
    ér. Viens donc m’accompagner jusques en ma maison ;
    Car si je te perdois un seul moment de vue,
    Ma raison, aussitôt de guide dépourvue,
    M’échapperoit encor. la nourr. Allons, je ne veux pas. (1633-57)