Aller au contenu

Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 1.djvu/387

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
261
PRÉFACE.
PRÉFACE.

Pour peu de souvenir qu’on ait de Mélite, il sera fort aisé de juger, après la lecture de ce poëme, que peut-être jamais deux pièces ne partirent d’une même main, plus différentes et d’invention et de style. Il ne faut pas moins d’adresse à réduire un grand sujet qu’à en déduire un petit ; et si je m’étois aussi dignement acquitté de celui-ci qu’heureusement de l’autre, j’estimerois avoir en quelque façon approché de ce que demande Horace au poëte qu’il instruit, quand il veut qu’il possède tellement ses sujets, qu’il en demeure toujours le maître, et les asservisse à soi-même, sans se laisser emporter par eux[1]. Ceux qui ont blâmé l’autre de peu d’effets auront ici de quoi se satisfaire, si toutefois ils ont l’esprit assez tendu pour me suivre au théâtre, et si la quantité d’intriques et de rencontres n’accable et ne confond leur mémoire. Que si cela leur arrive, je les supplie de prendre ma justification chez le libraire, et de reconnoître par la lecture que ce n’est pas ma faute. Il faut néanmoins que j’avoue que ceux qui n’ayant vu représenter Clitandre qu’une fois, ne le comprendront

  1. Dans l’Art poétique, où les mots « au poëte qu’il instruit » nous invitent à chercher cette citation, il n’y a guère qu’un passage qui ait quelque rapport avec la pensée exprimée ici ; c’est l’hémistiche : cui lecta patenter erit res, qui, d’après plusieurs commentateurs, signifie que le sujet doit être choisi de manière à ne pas surpasser les forces de l’auteur et à pouvoir être gouverné, dominé par lui. Mais n’est-il pas possible que cette fois encore Corneille ait cité de mémoire et que confondant une idée toute morale avec un précepte littéraire, il ait eu en vue ce vers bien connu de la 1re épître du 1er livre d’Horace (v. 19) :
    Et mihi res, non me rebus subjungere conor ?