Je ne veux point devoir mes déplorables jours
À l’affreuse rigueur d’un si fatal secours.
Ô vous qui me restez d’une troupe ennemie
Pour marques de ma gloire et de son infamie,
Blessures, hâtez-vous d’élargir vos canaux[1].
Par où mon sang emporte et ma vie et mes maux !
Ah ! pour l’être trop peu, blessures trop cruelles,
De peur de m’obliger vous n’êtes pas mortelles.
Eh quoi, ce bel objet, mon aimable vainqueur,
Avoit-il seul le droit de me blesser au cœur ?
Et d’où vient que la mort, à qui tout fait hommage,
L’ayant si mal traité, respecte son image ?
Noires divinités, qui tournez mon fuseau,
Vous faut-il tant prier pour un coup de ciseau ?
Insensé que je suis ! en ce malheur extrême,
Je demande la mort à d’autres qu’à moi-même ;
Aveugle ! je m’arrête à supplier en vain,
Et pour me contenter j’ai de quoi dans la main.
Il faut rendre ma vie au fer qui l’a sauvée ;
C’est à lui qu’elle est due, il se l’est réservée ;
Et l’honneur, quel qu’il soit, de finir mes malheurs,
C’est pour me le donner qu’il l’ôte à des voleurs.
- ↑ Var. Blessures, dépêchez d’élargir vos canaux. (1632)
Ou bien, me refusant le trépas où j’aspire,
Laissez faire à mes maux, ils me viennent l’offrir ;
Ne me redonnez plus de force à les souffrir.
Caliste, auprès de toi la mort m’est interdite (a) ;
Si je te veux rejoindre, il faut que je te quitte :
Adieu, pour un moment, consens à ce départ.
Sus, ma douleur, achève, ici que de sa part
Je n’ai plus de secours, ni toi plus de contraintes,
Porte-moi dans le cœur tes plus vives atteintes,
Et pour la bien punir de m’avoir ranimé,
Déchire son portrait que j’y tiens enfermé ;
Et vous, qui me restez d’une troupe ennemie. (1632-57)
(a). En marge, dans l’édition de 1632 : Il se relève d’auprès d’elle, et y laisse cette garde d’épée rompue.