Aller au contenu

Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 1.djvu/419

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
293
ACTE I, SCÈNE IX.
CALISTE.

Exécrable assassin, qui rougis de son sang[1],
300Dépêche comme à lui de me percer le flanc,
Prends de lui ce qui reste.

ROSIDOR.

Prends de lui ce qui reste.Adorable cruelle[2],
Est-ce ainsi qu’on reçoit un amant si fidèle ?

CALISTE.

Ne m’en fais point un crime : encor pleine d’effroi,
Je ne t’ai méconnu qu’en songeant trop à toi.
305J’avois si bien gravé là dedans ton image[3],
Qu’elle ne vouloit pas céder à ton visage.
Mon esprit, glorieux et jaloux de l’avoir,
Envioit à mes veux le bonheur de te voir[4].
Mais quel secours propice a trompé mes alarmes ?
310Contre tant d’assassins qui t’a prêté des armes ?

ROSIDOR.

Toi-même, qui t’a mise à telle heure en ces lieux,
Où je te vois mourir et revivre à mes yeux ?

CALISTE.

Quand l’amour une fois règne sur un courage…
Mais tâchons de gagner jusqu’au premier village,

  1. En marge, dans l’édition de 1632 : Elle regarde Rosidor, et le prend pour un des assassins.
  2. Var. Prends de lui ce qui reste, achève. ros. Quoi ! ma belle,
    Contrefais-tu l’aveugle afin d’être truelle ?
    cal. (a) Pardonne-moi, mon cœur : encor pleine d’effroi. (1632-57)
    (a). En marge, dans l’édition de 1632 : Elle se jette à son col.
  3. Var. J’avois si bien logé là dedans ton image. (1632-57)
  4. Var. [Envioit à mes yeux le bonheur de te voir.]
    ros. Puisqu’un si doux appas se treuve en tes rudesses (b),
    Que feront tes faveurs, que feront tes caresses ?
    Tu me fais un outrage à force de m’aimer,
    Dont la douce rigueur ne sert qu’à m’enflammer.
    Mais si tu peux souffrir qu’avec toi, ma chère âme,
    Je tienne des discours autres que de ma flamme,
    Permets que, t’ayant vue en cette extrémité,
    Mon amour laisse agir ma curiosité,
    Pour savoir quel malheur te met en ce bocage.
    cal. Allons premièrement jusqu’au prochain village,
    Où ces bouillons de sang se puissent étancher,
    Et là je le promets de ne te rien cacher,
    [Aux charges qu’à mon tour aussi l’on m’entretienne.] (1632-57)
    (b). Puisqu’un si doux appas se trouve en tes rudesses. (1652-57)