Aller au contenu

Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 1.djvu/423

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
297
ACTE II, SCÈNE I.

Mais contre Rosidor tout le pouvoir humain
360N’a que de la foiblesse-, il y faut votre main.
En vain, cruelles sœurs, ma fureur vous appelle ;
En vain vous armeriez l’enfer pour ma querelle[1] :
La terre vous refuse un passage à sortir.
Ouvre du moins ton sein, terre, pour m’engloutir ;
365N’attends pas que Mercure avec son caducée
M’en fasse après ma mort l’ouverture forcée[2] ;
N’attends pas qu’un supplice, hélas ! trop mérité,
Ajoute l’infamie à tant de lâcheté ;
Préviens-en la rigueur ; rends toi-même justice
370Aux projets avortés d’un si noir artifice.
Mes cris s’en vont en l’air, et s’y perdent sans fruit.
Dedans mon désespoir, tout me fuit ou me nuit :
La terre n’entend point la douleur qui me presse ;
Le ciel me persécute, et l’enfer me délaisse.
375Affronte-les, Pymante, et sauve en dépit d’eux[3]
Ta vie et ton honneur d’un pas si dangereux.
Si quelque espoir te reste, il n’est plus qu’en toi-même ;
Et si tu veux t’aider, ton mal n’est pas extrême[4].
Passe pour villageois dans un lieu si fatal ;
380Et réservant ailleurs la mort de ton rival,

  1. Var. La terre vous défend d’embrasser ma querelle,
    Et son flanc vous refuse un passage à sortir.
    Terre, crève-toi donc afin de m’engloutir. (1632-57)
  2. Var. Me fasse de ton sein l’ouverture forcée ;
    N’attends pas qu’un supplice, avec ses cruautés,
    Ajoute l’infamie à tant de lâchetés :
    Détourne de mon chef ce comble de misère ;
    Rends-moi, le prévenant, un office de mère.
    [Mes cris s’en vont en l’air, et s’y perdent sans fruit.] (1632-57)
  3. Var. Affronte-les, Pymante, et malgré leurs complots,
    Conserve ton vaisseau dans la rage des flots.
    Accablé de malheurs et réduit à l’extrême,
    Si quelque espoir te reste, il n’est plus qu’en toi-même.]
    Passe pour villageois dedans ce lieu fatal. (1632-57)
  4. Var. Mais si tu veux t’aider, ton mal n’est pas extrême. (1660-68)