J’en mérite la peine, et n’en ai pas le fruit ;
Et tout ce que j’ai fait contre mon ennemie
Sert à croître sa gloire avec mon infamie.
N’importe, Rosidor de mes cruels destins[1]
Tient de quoi repousser ses lâches assassins.
Sa valeur, inutile en sa main désarmée,
Sans moi ne vivroit plus que chez la renommée :
Ainsi rien désormais ne pourroit m’enflammer ;
N’ayant plus que haïr, je n’aurois plus qu’aimer.
Fâcheuse loi du sort qui s’obstine à ma peine,
Je sauve mon amour, et je manque à ma haine.
Ces contraires succès, demeurant sans effet,
Font naître mon malheur de mon heur imparfait.
Toutefois l’orgueilleux pour qui mon cœur soupire
De moi seule aujourd’hui tient le jour qu’il respire[2] :
Il m’en est redevable, et peut-être à son tour
Cette obligation produira quelque amour.
Dorise, à quels pensers ton espoir se ravale !
S’il vit par ton moyen, c’est pour une rivale.
N’attends plus, n’attends plus que haine de sa part ;
L’offense vint de toi, le secours du hasard.
Malgré les vains efforts de ta ruse traîtresse,
Le hasard par tes mains le rend à sa maîtresse ;
Ce péril mutuel qui conserve leurs jours
D’un contre-coup égal va croître leurs amours.
Heureux couple d’amants que le destin assemble,
Qu’il expose en péril, qu’il en retire ensemble !
- ↑ Var. N’importe, Rosidor de mon dessein failli
A de quoi malmener ceux qui l’ont assailli. (1632)
Var. N’importe, Rosidor de mon dessein manqué
A de quoi malmener ceux qui l’ont attaqué. (1644-57) - ↑ Var. D’un autre que de moi ne tient l’air qu’il respire :
Il m’en est redevable, et peut-être qu’un jour. (1632-60)