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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 1.djvu/447

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ACTE III, SCÈNE III.

J’aime mieux démentir ce qu’on me fait d’outrages,
815Que de m’imaginer, sous un si juste roi,
Qu’on peuple les prisons d’innocents connue moi.
Cependant je m’y trouve ; et bien que ma pensée[1]
Recherche à la rigueur ma conduite passée[2],
Mon exacte censure a beau l’examiner,
820Le crime qui me perd ne se peut deviner ;
Et quelque grand effort que fasse ma mémoire,
Elle ne me fournit que des sujets de gloire.
Ah ! Prince, c’est quelqu’un de vos faveurs jaloux
Qui m’impute à forfait d’être chéri de vous.
825Le temps qu’on m’en sépare, on le donne à l’envie,
Comme une liberté d’attenter sur ma vie.
Le cœur vous le disoit, et je ne sais comment
Mon destin me poussa dans cet aveuglement,
De rejeter l’avis de mon Dieu tutélaire :
830C’est là ma seule faute, et c’en est le salaire,
C’en est le châtiment que je reçois ici.
On vous venge, mon prince, en me traitant ainsi ;
Mais vous saurez montrer, embrassant ma défense[3].



    Qui portoient en mon cœur les espèces visibles (a) ;
    Mais mon cœur en prison vous renvoie à son tour
    L’image et le rapport de son triste séjour.
    Triste séjour ! que dis-je ? Osai-je appeler triste
    L’adorable prison où me retient Caliste ?
    En vain dorénavant mon esprit irrité
    Se plaindra d’un cachot qu’il a trop mérité ;
    Puisque d’un tel blasphème il s’est rendu capable,
    D’innocent que j’entrai, j’y demeure coupable.
    Folles raisons d’amour, mouvements égarés,
    Qu’à vous suivre mes sens se trouvent préparés !
    Et que vous vous jouez d’un esprit en balance
    Qui veut croire plutôt la même extravagance.
    Que de s’imaginer, sous un si juste roi. (1632-57)
    (a). Qui portoient dans mon cœur les espèces visibles. (1644)

  1. Var. M’y voilà cependant, et bien que ma pensée. (1632-57)
  2. Var. Épluche à la rigueur ma conduite passée. (1632)
  3. Var. Mais vous montrerez bien, embrassant ma défense,