Scène II.
Où s’est-elle cachée ? où l’emporte sa fuite ?
Où faut-il que ma rage adresse ma poursuite ?
La tigresse m’échappe, et telle qu’un éclair,
En me frappant les yeux, elle se perd en l’air ;
Ou plutôt, l’un perdu, l’autre m’est inutile ;
L’un s’offusque du sang qui de l’autre distile.
Coule, coule, mon sang : en de si grands malheurs[1].
Tu dois avec raison me tenir lieu de pleurs :
Ne verser désormais que des larmes communes,
C’est pleurer lâchement de telles infortunes.
Je vois de tous côtés mon supplice approcher ;
N’osant me découvrir, je ne me puis cacher.
Mon forfait avorté se lit dans ma disgrâce[2],
Et ces gouttes de sang me font suivre à la trace.
Miraculeux effet ! Pour traître que je sois,
Mon sang l’est encor plus, et sert tout à la fois
De pleurs à ma douleur, d’indices à ma prise,
De peine à mon forfait, de vengeance à Dorise.
Ô toi qui, secondant son courage inhumain[3],
Loin d’orner ses cheveux, déshonores sa main,
Exécrable instrument de sa brutale rage,
Tu devois[4] pour le moins respecter son image :
Ce portrait accompli d’un chef-d’œuvre des cieux,
- ↑ Var. Coule, coule, mon sang : dans de si grands malheurs. (1632-57)
- ↑ Var. Mon forfait évident se lit dans ma disgrâce. (1632-57)
- ↑ Var. Bourreau qui, secondant son courage inhumain (a),
Au lieu d’orner son poil, déshonorez (sic) sa main. (1632)
(a). En marge : Il tient a la main le poinçon que Dorise lui avoit laissé dans l’œil. - ↑ On lit tu devrois dans l’édition de 1682, mais c’est probablement une faute d’impression.