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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 1.djvu/480

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CLITANDRE.

Que je ne voudrois pas tout à fait m’y remettre ;
Quoiqu’à dire le vrai je ne sais pas trop bien
1400En quoi je dédirois ce secret entretien,
Si ta pleine santé me donnoit lieu de dire
Quelle borne à tes vœux je puis et dois prescrire.
Prends soin de te guérir, et les miens plus contents
Mais je te le dirai quand il en sera temps.

ROSIDOR.

1405Cet énigme enjoué n’a point d’incertitude
Qui soit propre à donner beaucoup d’inquiétude,
Et si j’ose entrevoir dans son obscurité,
Ma guérison importe à plus qu’à ma santé.
Mais dis tout, ou du moins souffre que je devine,
1410Et te die à mon tour ce que je m’imagine.

CALISTE.

Tu dois, par complaisance au peu que j’ai d’appas,
Feindre d’entendre mal ce que je ne dis pas,
Et ne point m’envier un moment de délices
Que fait goûter l’amour en ces petits supplices.
1415Doute donc, sois en peine, et montre un cœur gêné
D’une amoureuse peur d’avoir mal deviné ;
Tremble sans craindre trop ; hésite, mais aspire[1] ;
Attends de ma bonté qu’il me plaise tout dire,
Et sans en concevoir d’espoir trop affermi.
1420N’espère qu’à demi, quand je parle à demi. 1420

ROSIDOR.

Tu parles à demi, mais un secret langage
Qui va jusques au cœur m’en dit bien davantage,
Et tes yeux sont du tien de mauvais truchements,
Ou rien plus ne s’oppose à nos contentements.

CALISTE.

1425Je l’avois bien prévu, que ton impatience

  1. Var. Espère, mais hésite ; hésite, mais aspire. (1660 et 63)
    Var. Doute dans ton espoir ; hésite, mais aspire, (1664))