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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 1.djvu/527

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ACTE I, SCÈNE I.

Tant que par la douceur d’une longue hantise
Comme insensiblement elle se trouve prise.
C’est par là que l’on sème aux dames des appas[1],
40Qu’elles n’évitent point, ne les prévoyant pas.
Leur haine envers l’amour pourroit être un prodige,
Que le seul nom les choque, et l’effet les oblige[2].

ALCIDON.

Suive qui le voudra ce procédé nouveau[3] :
45Mon feu me déplairoit caché sous ce rideau.
Ne parler point d amour ! Pour moi, je me défie
Des fantasques raisons de ta philosophie :
Ce n’est pas là mon jeu. Le joli passe-temps,
D’être auprès d’une dame et causer du beau temps
Lui jurer que Paris est toujours plein de fange,
50Qu’un certain parfumeur vend de fort bonne eau d’ange[4],
Qu’un cavalier regarde un autre de travers,
Que dans la comédie on dit d’assez bons vers,
Qu’Aglante avec Philis dans un mois se marie[5] !
Change, pauvre abusé, change de batterie,
55Conte ce qui te mène, et ne t’amuse pas
À perdre innocemment les discours et tes pas[6].

PHILISTE.

Je les aurois perdus auprès de ma maîtresse,
Si je n’eusse employé que la commune adresse,

  1. Voyez plus haut, p. 148, le vers 96 de Mélite, et la note qui s’y rapporte.
  2. C’est-à-dire, leur haine contre l’amour aurait beau être extrême, prodigieuse, elle ne tomberait jamais que sur le nom, et non pas sur la chose.
  3. Var. Suive qui le voudra ce nouveau procédé :
    Mon feu me déplairoit d’être ainsi gourmandé. (1634-57)
  4. On appelle eau d’ange « une eau d’une odeur très-agréable, faite de fleurs d’orange, musc, cannelle, et autres choses odoriférantes. » (Dictionnaire de l’Académie de 16994.)
  5. Var. Qu’un tel dedans le mois d’une telle s’accorde !
    Touche, pauvre abusé, touche la grosse corde. (1634)
  6. Var. À perdre sottement tes discours et tes pas. (1634-57)