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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 1.djvu/526

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LA VEUVE.

ALCIDON.

Ton espoir, qui te flatte, en vain se l’imagine[1] :
15Clarice avec raison prend pour stupidité
Ce ridicule effet de ta timidité.

PHILISTE.

Peut-être. Mais enfin vois-tu qu’elle me fuie,
Qu’indifférent qu’il est mon entretien l’ennuie,
Que je lui sois à charge, et lorsque je la voi,
20Qu’elle use d’artifice à s’échapper de moi ?
Sans te mettre en souci quelle en sera la suite[2],
Apprends comme l’amour doit régler sa conduite.
Aussitôt qu’une dame a charmé nos esprits,
Offrir notre service au hasard d’un mépris.
25Et nous abandonnant à nos brusques saillies[3],
Au lieu de notre ardeur lui montrer nos folies,
Nous attirer sur l’heure un dédain éclatant :
Il n’est si maladroit qui n’en fit bien autant.
Il faut s’en faire aimer avant qu’on se déclare.
30Notre submission à l’orgueil la prépare.
Lui dire incontinent son pouvoir souverain,
C’est mettre à sa rigueur les armes à la main.
Usons, pour être aimés, d’un meilleur artifice
Et sans lui rien offrir, rendons-lui du service[4] ;
35Réglons sur son humeur toutes nos actions,
Réglons tous nos desseins sur ses intentions[5],

  1. Var. C’en est trop présumer, cette beauté divine
    Avec juste raison prend pour stupidité
    Ce qui n’est qu’un effet de ta timidité.
    phil. Mais as-tu remarqué que Clarice me fuie ? (1634-60)
  2. Var. Sans te mettre en souci du feu qui me consomme,
    Apprends comme l’amour se traite en honnête homme :
    Aussitôt qu’une dame en ses rets nous a pris. (1634-57)
  3. Var. Et nous laissant conduire à nos brusques saillies,
    Au lieu de notre amour lui montrer nos folies,
    Qu’un superbe dédain punisse au même instant. (1634-57)
  4. Var. Sans en rien protester, rendons-lui du service. (1634)
  5. Var. Ajustons nos desseins à ses intentions. (1634-57)