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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 1.djvu/534

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LA VEUVE.

Je croirois en produire un trop cruel effet,
Si je te séparois d’un amant si parfait.

DORIS.

Vous le connoissez mal : son âme a deux visages,
170Et ce dissimulé n’est qu’un conteur à gages.
Il a beau m’accabler de protestations,
Je démêle aisément toutes ses fictions ;
Il ne me prête rien que je ne lui renvoie[1] :
Nous nous entre-payons d’une même monnoie ;
175Et malgré nos discours, mon vertueux désir
Attend toujours celui que vous voudrez choisir :
Votre vouloir du mien absolument dispose.

CHRYSANTE.

L’épreuve en fera foi ; mais parlons d’autre chose.
Nous vîmes hier au bal, entre autres nouveautés,
180Tout plein d’honnêtes gens caresser les beautés.

DORIS.

Oui, Madame : Alindor en vouloit à Célie ;
Lysandre, à Célidée ; Oronte, à Rosélie.

CHRYSANTE.

Et nommant celles-ci, tu caches finement[2]
Qu’un certain t’entretint assez paisiblement.

DORIS.

185Ce visage inconnu qu’on appeloit Florange ?

CHRYSANTE.

Lui-même.

DORIS.

Lui-même.Ah ! Dieu, que c’est un cajoleur étrange !
Ce fut paisiblement, de vrai, qu’il m’entretint.
Soit que quelque raison en secret le retînt[3],
Soit que son bel esprit me jugeât incapable

  1. Var. Ainsi qu’il me les baille, ainsi je les renvoie. (1634-57)
  2. Var. En nommant celles-ci, tu caches finement. (1634-57)
  3. Var. Soit que quelque raison secrète le retînt. (1634-57)