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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 1.djvu/612

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LA VEUVE.

A rompu sa fortune, et chassé son amant.
Et tu vois aussitôt la tienne renversée,
1680Ta maîtresse par force en d’autres mains passée[1].
Cependant Alcidon, que tu crois rappeler,
Toujours de plus en plus s’obstine à quereller.

PHILISTE.

Madame, c’est à vous que nous devons nous prendre
De tous les plaisirs qu’il nous en faut attendre.
1685D’un si honteux affront le cuisant souvenir
Éteint toute autre ardeur que celle de punir.
Ainsi mon mauvais sort m’a bien ôté Clarice ;
Mais du reste accusez votre seule avarice.
Madame, nous perdons par votre aveuglement
1690Votre fils, un ami ; votre fille, un amant.

DORIS.

Ôtez ce nom d’amant : le fard de son langage
Ne m’empêcha jamais de voir dans son courage ;
Et nous étions tous deux semblables en ce point.
Que nous feignions d’aimer ce que nous n’aimions point.

PHILISTE.

1695Ce que vous n’aimiez point ! Jeune dissimulée[2],
Falloit-il donc souffrir d’en être cajolée ?

DORIS.

Il le falloit souffrir, ou vous désobliger.

PHILISTE.

Dites qu’il vous falloit un esprit moins léger[3].

  1. Var. Ta maîtresse ravie et peut-être forcée.
    Cependant Alcidon te querelle toujours,
    Au lieu de renouer ses premières amours.
    phil. Madame, c’est sur vous qu’en tombe le reproche :
    Le moyen que jamais Alcidon en rapproche !
    L’affront qu’il a reçu ne lui peut plus laisser
    De souvenir de nous que pour nous offenser.
    [Ainsi mon mauvais sort m’a bien ôté Clarice.] (1634-57)
  2. Var. Ce que vous n’aimiez point ! Petite écervelée. (1634-57)
  3. Var. Mais dis qu’il te falloit un esprit moins léger. (634-57)