Me fait voir clairement combien j’étois déçu,
Je ne condamne plus mon amour au silence,
Et viens faire éclater toute sa violence[1].
Souffrez que mes desirs, si longtemps retenus,
Rendent à sa beauté des vœux qui lui sont dus ;
Et du moins par pitié d’un si cruel martyre
Permettez quelque espoir à ce cœur qui soupire.
Votre amour pour Doris est un si grand bonheur
Que je voudrois sur l’heure en accepter l’honneur ;
Mais vous voyez le point où me réduit Philiste,
Et comme son caprice à mes souhaits résiste[2].
Trop chaud ami qu’il est, il s’emporte à tous coups
Pour un fourbe insolent qui se moque de nous.
Honteuse qu’il me force à manquer de promesse,
Je n’ose vous donner une réponse expresse,
Tant je crains de sa part un désordre nouveau.
Sous ce détour discret un refus se colore.
Non, Monsieur, croyez-moi, votre offre nous honore :
Aussi dans le refus j’aurois peu de raison :
Je connois votre bien, je sais votre maison.
Votre père jadis (hélas ! que cette histoire
Encor sur mes vieux ans m’est douce en la mémoire !),
Votre feu père, dis-je, eut de l’amour pour moi :
J’étois son cher objet ; et maintenant je voi
Que comme par un droit successif de famille
L’amour qu’il eut pour moi, vous l’avez pour ma fille.