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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 1.djvu/623

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ACTE V, SCÈNE IX.

Je forcène[1] de voir que sur votre retour
Ce traître assure aussi ma perte et son amour[2].
1915Perfide ! à mes dépens tu veux donc des maîtresses ?
Et mon honneur perdu te gagne leurs caresses ?

CÉLIDAN, à Alcidon.

Quoi ! j’ai su jusqu’ici cacher tes lâchetés,
Et tu m’oses couvrir de ces indignités !
Cesse de m’outrager, ou le respect des dames
1920N’est plus pour contenir celui que tu diffames.

PHILISTE, à Alcidon.

Cher ami, ne crains rien, et demeure assuré
Que je sais maintenir ce que je t’ai juré :
Pour t’enlever ma sœur, il faut m’arracher l’âme.

ALCIDON, à Philiste.

Non, non, il n’est plus temps de déguiser ma flamme.
1925Il te faut, malgré moi, faire un honteux aveu[3]
Que si mon cœur brûloit, c’étoit d’un autre feu.
Ami, ne cherche plus qui t’a ravi Clarice :
Voici l’auteur du coup, et voilà le complice.
Adieu : ce mot lâché, je te suis en horreur.

  1. Je forcène, c’est-à-dire j’enrage.
  2. Var. [Ce traître assure ainsi ma perte et son amour.]
    Ô honte ! ô crève-cœur ! ô désespoir ! ô rage !
    Qui venez à l’envi déchirer mon courage,
    Au lieu de vous combattre, unissez vos efforts
    Afin de désunir mon âme de mon corps.
    Je tiens les plus cruels pour les plus favorables.
    Mais pourquoi vous prier de m’être secourables ?
    Je mourrai bien sans vous : dans cette trahison,
    Mon cœur n’a, par les yeux, que trop pris de poison.
    Perfide, à mes dépens tu soûles donc ta braise (a),
    Et mon honneur perdu contribue a ton aise ?
    célidan, à Alcidon. Traître, jusques ici j’ai caché tes défauts.
    Et pour remercîment tu m’en donnes de faux ?
    [Cesse de m’outrager, ou le respect des dames.](1634-57}
    (a). Ce vers et le suivant ne se trouvent sous cette forme que dans l’édition de 1634 ; dans celles de 1644-57, ils sont semblables aux vers 1915 et 1916 de notre texte.
  3. Var. Il faut lever le masque, il faut te confesser
    Qu’une toute autre ardeur occupoit mon penser. (1634-57)