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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 1.djvu/624

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LA VEUVE.

Scène X.

CHRYSANTE, CLARICE, PHILISTE, CÉLIDAN, DORIS.
CHRYSANTE, à Philiste.

1930Eh bien ! rebelle, enfin sortiras-tu d’erreur ?

CÉLIDAN, à Philiste.

Puisque son désespoir vous découvre un mystère
Que ma discrétion vous avoit voulu taire,
C’est à moi de montrer quel étoit mon dessein.
Il est vrai qu’en ce coup je lui prêtai la main :
1935La peur que j’eus alors qu’après ma résistance
Il ne trouvât ailleurs trop fidèle[1] assistance…

PHILISTE, à Célidan.

Quittons là ce discours, puisqu’en cette action
La fin m’éclaircit trop de ton intention,
Et ta sincérité se fait assez connoître.
1940Je m’obstinois tantôt dans le parti d’un traître ;
Mais au lieu d’affoiblir vers toi mon amitié.
Un tel aveuglement te doit faire pitié.
Plains-moi, plains mon malheur, plains mon trop de franchise,
Qu’un ami déloyal a tellement surprise ;
1945Vois par là comme j’aime, et ne te souviens plus[2]
Que j’ai voulu te faire un injuste refus.

  1. On lit foible dans l’édition de 1682, mais c’est une faute typographique qui mérite à peine d’être relevée.
  2. Var. Vois par là comme j’aime, et perds le souvenir
    Qu’un traître contre toi tu m’as vu maintenir.
    Bien que ma flamme, au point d’avoir sa récompense,
    De me venger de lui pour l’heure me dispense,
    Il jouira fort peu de cette vanité
    D’avoir su m’offenser avec impunité.
    [Fais, malgré mon erreur, que ton feu persévère.] (1634-57)