Cette haute vertu va toutefois renaître :
À quelques traits déjà je crois la reconnaître[1].
Chère et divine sœur, prépare tes crayons :
J’en vois de temps en temps briller quelques rayons ;
Les Sophocles nouveaux dont j’honore[2] la France
En ont déjà senti quelque douce influence ;
Mais ce ne sont enfin que rayons inconstants,
Qui vont de l’un à l’autre, et qui n’ont que leur temps ;
Et ces heureux hasards des fruits de mon étude
Laissent tout l’avenir dedans l’incertitude.
Tire[3] avec ton pouvoir leur éclat vagabond ;
Fais-les servir d’ébauche à ton savoir profond ;
Et mêlant à ces traits l’effort de ton génie,
Fais revoir en portrait cette illustre bannie.
Peins bien toute sa pompe et toutes ses beautés,
Son empire absolu dessus les volontés ;
Fais-lui donner du lustre aux plus brillantes marques
Dont se pare le chef des plus dignes monarques ;
Fais partir de nos mains à ses commandements
Tout ce que nous avons d’éternels monuments ;
Fais-lui distribuer la plus durable gloire ;
Mets l’histoire à ses pieds, et toute la mémoire ;
Mets en ses yeux l’éclat d’une divinité ;
Mets en ses mains le sceau de l’immortalité,
Et rappelle si bien un juste amour pour elle,
- ↑ Ce mot est imprimé ainsi, par un a (reconnaistre), dans toutes les éditions anciennes. En 1738 Granet a mis reconnoître, et a été imité par tous les éditeurs qui depuis ont publié cette pièce.
- ↑ Ainsi dans les Poésies choisies de Sercy. On lit s’honore dans le Recueil de 1671, dans les Œuvres diverses de 1738, et dans toutes les éditions suivantes.
- ↑ Tirer est ici dans le sens de portraire, figurer, représenter ; on disait : « tirer une personne, une figure, etc. : » voyez ci-dessus, p. 97, vers 40. Cette expression ne se trouve que dans la première édition des Poésies choisies ; dans les suivantes on a remplacé tire par fixe.