Maynard l’a chaque jour criée à haute voix :
Il n’est porte où pour elle il n’ait frappé cent fois ;
Mais sans en voir l’image en aucun lieu gravée,
Il est mort la cherchant, et ne l’a point trouvée[1].
J’en fais souvent reproche à ce climat heureux ;
Je m’en plains[2] aux plus grands comme aux plus généreux ;
Pour trop m’en plaindre en vain je deviens ridicule,
Et l’on ne m’entend pas, ou l’on le dissimule.
Qu’aujourd’hui la valeur sait mal se secourir !
Que je vois de grands noms en danger de mourir !
Que de gloire à l’oubli malgré le ciel se livre,
Quand il m’a tant donné de quoi la faire vivre !
Le siècle a des héros, il en a même assez
Pour en faire rougir tous les siècles passés ;
Il a plus d’un César, il a plus d’un Achille ;
Mais il n’a qu’un Mécène, et n’aura qu’un Virgile[3] :
Rare exemple, et trop grand pour ne pas éclater,
Rare exemple, et si grand qu’on n’ose l’imiter[4].
- ↑ Ici Corneille semble faire allusion au quatrain bien connu que Maynard avait placé sur la porte de son cabinet :
Las d’espérer et de me plaindre
Des Muses, des grands et du sort,
C’est ici que j’attends la mort,
Sans la désirer ni la craindre. - ↑ Ainsi dans l’édition originale des Poésies choisies ; on trouve dans les éditions suivantes et dans toutes les autres réimpressions : « Je me plains, » qui nous paraît beaucoup moins bon.
- ↑ Le Mécène est Mazarin, qui, comme l’on sait, demanda à Ménage la liste des savants et des hommes de lettres qui méritaient des encouragements. Le Virgile est sans doute Chapelain, qui terminait alors son épopée de la Pucelle, et à laquelle il a, dit-on, travaillé trente ans, et qui parut en 1656.
- ↑ Ainsi dans la première édition ; « qu’on ne l’ose imiter » dans toutes les autres.
bleau… de la poésie française au seizième siècle… par M. Sainte-Beuve, tome II, p. 180.)