Prêtez-moi, par pitié, quelque injuste courroux ;
Renvoyez mes soupirs qui volent après vous :
Faites-moi présumer qu’il en est quelques autres
À qui jusqu’en ces lieux vous renvoyez des vôtres[1],
Qu’en faveur d’un rival vous allez me trahir[2] :
J’en ai, vous le savez, que je ne puis haïr[3].
Négligez-moi pour eux, mais dites en vous-même :
« Moins il me veut aimer, plus il fait voir qu’il m’aime[4],
Et m’aime d’autant plus que son cœur enflammé
N’ose même aspirer au bonheur d’être aimé ;
Je fais tous ses plaisirs, j’ai toutes ses pensées,
Sans que le moindre espoir les aye[5] intéressées.
Puissé-je malgré vous y penser un peu moins,
M’échapper quelques jours vers quelques autres soins[6],
Trouver quelques plaisirs ailleurs qu’en votre idée,
En voir toute mon âme un peu moins obsédée ;
Et vous de qui je n’ose attendre jamais rien[7],
Ne ressentir jamais un mal pareil au mien ! »
Ainsi parla Cléandre, et ses maux se passèrent[8],
- ↑ Var. À qui jusqu’en ces lieux vous renvoyez les vôtres.
(Manuscrits des Godefroy.) - ↑ Var. Croire qu’à mes rivaux vous allez me trahir.
(Manuscrits de Conrart.)
Var. Croire qu’à mes rivaux vous me voulez trahir.
(Manuscrits des Godefroy.) - ↑ D’abord son frère Thomas Corneille (voyez l’Appendice), ensuite son ami Molière.
- ↑ Var. Moins il me veut aimer, plus je connois qu’il m’aime.
(Manuscrits de Conrart.) - ↑ Il y a ayt dans les Manuscrits de Conrart, et ait dans ceux des Godefroy.
- ↑ Var. M’échapper un moment vers quelques autres soins.
(Manuscrits de Conrart.) - ↑ Var. Et vous de qui jamais je n’ose attendre rien.
(Ibidem.) - ↑ Var. Ainsi parla Cléandre, et ses tourments passèrent.
(Ibidem.)