Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 10.djvu/171

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Devenez un peu complaisante, 25
Et daignez vous passer à trente :
Vous serez servie à souhait,
Et je vous dirai haut et net
Que je craindrai fort peu la honte
De vous fournir mal votre conte[1]. 30
Mais je vaux moins qu’un quinola[2],
Si je n’en fais vingt par delà.
Tenir à demi sa parole,
C’est une méchante bricole[3] :
On doit s’efforcer jusqu’au bout, 35
Et ne rien faire, ou faire tout.
Il faut donc que je m’évertue,
Que je me débatte et remue,
Que je pousse de tout mon mieux,
Dussé-je en crever à vos yeux : 40
Aux grands coups on voit les grands hommes.
Voyons, de grâce, où nous en sommes :
Si je compte bien par mes doigts,
Je passe les quarante et trois ;
Encor six, vous n’auriez que dire, 45
Et vous commencez à sourire
De voir mon reste de vertu,
Sans vous avoir rien rabattu,
Ni tourné la tête en arrière,
Toucher au bout de la carrière. 50
En faut-il encor ? je le veux,
Voilà jusqu’à cinquante-deux :
Plaignez-vous, en cette aventure,
De n’avoir pas bonne mesure.


  1. Voyez tome I, p. 150, note 1.
  2. Homme à gages chargé de conduire une dame. Voyez le Lexique.
  3. Bricole, tour, détour, tromperie. Voyez le Lexique.