Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 10.djvu/191

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J’y mets la Toison d’or ; mais avant qu’on la voie,
La Paix vient elle-même y préparer la joie ;
L’Hymen l’y fait descendre ; et de Mars en courroux
Par ta digne moitié j’y romps les derniers coups[1]. 60
On te voyoit dès lors à toi seul comparable
Faire éclater partout ta conduite adorable,
Remplir les bons d’amour, et les méchants d’effroi[2].
Jusque-là toutefois tout n’étoit pas à toi ;
Et quelques doux effets qu’eût produits ta victoire[3], 65
Les conseils du grand Jule[4] avoient part à ta gloire.
Maintenant qu’on te voit en[5] digne potentat
Réunir en ta main les rênes de l’État,
Que tu gouvernes seul, et que par ta prudence
Tu rappelles des rois l’auguste indépendance, 70
Il est temps que d’un air encor plus élevé
Je peigne en ta personne un monarque achevé ;
Que j’en laisse un modèle aux rois qu’on verra naître,
Et qu’en toi pour régner je leur présente un maître.
C’est là que je saurai fortement exprimer 75
L’art de te faire craindre et de te faire aimer ;
Cet accès libre à tous, cet accueil favorable,
Qu’ainsi qu’au[6] plus heureux tu fais au misérable.

  1. Voyez le Prologue de la Toison d’or, tome VI, p. 253 et suivantes.
  2. Ce vers se trouve dans le Cid, acte I, scène iii, vers 176. Voyez au tome III, p. 114.
  3. Il y a produit, sans accord, dans les anciennes éditions, y compris celle de Granet, où on lit quelque, sans s : « quelque doux effets » : voyez tome I, p. 205, note 3, et le Lexique. — Les Délices donnent : « la victoire, » pour « ta victoire. »
  4. Jules, cardinal de Mazarin, mort le 9 mars 1661.
  5. On lit ici, dans les deux éditions des Délices : un, au lieu de en, et au vers suivant : « la rêne, » pour « les rênes, » mais ce sont des fautes évidentes.
  6. Aux, dans les deux éditions des Délices.