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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 10.djvu/201

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Est d’y porter du sang à répandre pour toi[1].
Tous deux ils tâcheront, dans l’ardeur de te plaire,
D’aller plus loin pour toi que le nom de leur père ;
Tous deux, impatients de le mieux signaler,
Ils brûleront d’agir, quand je tremble à parler ; 70
Et ce feu qui sans cesse eux et moi nous consume
Suppléera par l’épée au défaut de ma plume.
Pardonne, grand vainqueur, à cet emportement :
Le sang prend malgré nous quelquefois son moment ;
D’un père pour ses fils l’amour est légitime ; 75
Et j’ai droit pour les miens de garder quelque estime,
Après qu’en leur faveur toi-même as bien voulu
M’assurer que l’abord ne t’en a point déplu.
Le plus jeune a trop tôt reçu d’heureuses marques
D’avoir suivi les pas du plus grand des monarques ; 80
Mais s’il a peu servi, si le feu des mousquets
Arrêta dès Douai ses plus ardents souhaits,
Il fait gloire du lieu que perça leur tempête :
Ceux qu’elle atteint au pied ne cachent pas leur tête[2] ;


    duchesse de Nemours (voyez ci-après, lettre XXV) ; il était lieutenant de cavalerie lorsqu’il mourut. Voyez ci-dessous, note 2.

  1. Var. Des fils qui de leur sang cherchent à t’acheter
    Ces succès qu’à l’envi d’autres vont exalter.
    (Édition originale.)
  2. Le second fils de Corneille, dont nous venons de parler (p. 188, note 4), fut blessé au pied pendant le siège de Douai, qui se termina, au bout de quelques jours, par la prise de la ville, le 6 juillet. Robinet, dans une Lettre en vers à Madame, du 30 juillet 1667, nous raconte à ce sujet l’anecdote suivante, aujourd’hui fort connue, que M. Floquet a le premier signalée à l’attention du public :

    Vous connoissez assez l’aîné des deux Corneilles,
    Qui pour vos chers plaisirs produit tant de merveilles.
    Hé bien ! cet homme-là, malgré son Apollon,
    Fut naguère cité devant cette police,
    Ainsi qu’un petit violon,
    Et réduit, en un mot, à se trouver en lice
    Pour quelques pailles seulement