Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 10.djvu/236

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En dépit des hivers, guide tes étendards ?
Et quel dieu dans tes yeux tient cette foudre prête
Qui fait tomber les murs d’un seul de tes regards ?

À peine tu parois, qu’une province entière 5
Rend hommage à tes lis et justice à tes droits ;
Et ta course en neuf[1] jours achève une carrière
Que l’on verroit coûter un siècle à d’autres rois[2].

En vain pour t’applaudir ma muse impatiente,
Attendant ton retour, prête l’oreille au bruit : 10
Ta vitesse l’accable, et sa plus haute attente
Ne peut imaginer ce que ton bras produit.

Mon génie, étonné de ne pouvoir te suivre[3],
En perd haleine et force ; et mon zèle confus,

    p. 8-10. On y lit la note survante : « La rapidité de cette conquête engagea Pierre Corneille, pour marquer à Louis XIV que sa plume ne pouvoit pas suivre ses victoires, à faire vingt vers, qui ont été mis en latin par M. de Santeul. » Une autre note donne une rapide biographie de Corneille, et vante « son mérite extraordinaire et son génie supérieur. »

  1. Dans son texte latin Corneille a écrit ter terni… dies (vers 8). De la Rue dans ses deux éditions et Santeul dans la sienne ont mis sept dans le texte français de Corneille et ont traduit ce nombre sept ; les deux autres jésuites y ont substitué le nombre huit. La conquête de la Franche-Comté fut en réalité l’affaire de quelques jours. Le 5 février 1668 le prince de Condé se présenta devant Besançon, dont il reçut les clefs le 7. Salins se soumit le même jour. Le Roi assiégea Dôle le 10, le prit le 14 ; les châteaux de Joux et de Sainte-Anne se rendirent peu après ; en moins de dix-sept jours, toute la Franche-Comté fut subjuguée.
  2. Var. Que nous verrions coûter un siècle à d’autres rois.
    (Copie manuscrite de la Bibliothèque impériale.)
  3. Var. Mon génie, étonné de ne te pouvoir suivre.
    (Copie manuscrite de la Bibliothèque impériale.)