Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 10.djvu/24

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six ans à Rouen, y élevant six enfants, y soignant sa vieille mère, et passant ses étés à Hénouville jusqu’à l’époque de son mariage. M. l’abbé Antoine Legendre, curé d’Hénouville, était son ami intime. C’était dans un presbytère que Corneille venait jouir des beaux jours. Ils allaient ensemble voir cette vue ravissante de la Seine, que nous admirons tant des hauteurs d’Hénouville. L’abbé Legendre lui parlait de la Manière de bien cultiver les arbres fruitiers, car ce physicien, né au Vaudreuil, a contribué à l’édition de ce livre très-estimé, s’il n’en a été l’auteur ; et Corneille faisait pour lui la description en vers du presbytère d’Hénouville, ouvrage que le père de la tragédie fit imprimer à Rouen en 1642, sous le format in-12. Alors Corneille avait trente-six ans, et était marié depuis deux ans ; il ne pouvait plus songer à passer ses vacances chez un prêtre, où une jeune femme et des petits enfants auraient mal figuré. »

Ce petit récit est sinon contredit, au moins gêné par une étude récente de M. Gosselin, qui de son côté déclare tout aussi affirmativement que Corneille passa pendant toute sa jeunesse la belle saison dans une maison acquise par son père le 16 juin 1608 à Petit-Couronne. « C’est là indubitablement, dit-il, que l’auteur du Cid vint s’inspirer ; c’est là, sous ces grands arbres de la forêt, que, tout jeune homme, il alla rêver à sa chère Mélite ; et c’est là aussi, en présence de ces côtes si belles et si pittoresques qui longent la Seine de Rouen à la Bouille, qu’il médita les œuvres immortelles qui devaient porter son nom si haut et si loin[1]. » On voit que M. Gosselin revendique pour Petit-Couronne l’honneur que M. Gaillard attribuait à Hénouville ; il ne peut pas se dire bien sûr, lui non plus, du détail des faits, mais la possession continue par Corneille de la maison de campagne que son père avait achetée, donne au moins une certaine vraisemblance à sa conjecture.

Du reste, que Corneille ait passé tous ses étés à Hénouville, ou qu’il y ait seulement visité parfois son ami, il demeure très-possible, dans les deux cas, qu’il soit l’auteur du petit poëme qui nous occupe ; mais nous tenions à montrer que les rensei-

  1. Pierre Corneille (le père)… et sa maison de campagne. Extrait de la Revue de Normandie des 31 mai et 30 juin 1864. — Rouen, imp. de E. Cagniard, p. 30.