Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 10.djvu/250

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Ces rigides censeurs ont-ils plus d’esprit qu’elle,
Et font-ils dans l’Église une Église nouvelle[1] ?
Quittons cet avantage, et ne confondons pas
Avec des droits si saints de profanes appas. 40
L’œil se peut-il fixer sur la vérité nue ?
Elle a trop de brillant pour arrêter la vue ;
Et telle qu’un éclair qui ne fait qu’éblouir,
Elle échappe aussitôt qu’on présume en jouir.
La fable, qui la couvre, allume, presse, irrite[2] 45
L’ingénieuse ardeur d’en voir tout le mérite :
L’art d’en montrer le prix consiste à le cacher,
Et sa beauté redouble à se faire chercher.
Otez Pan et sa flûte, adieu les pâturages ;

    Et sunt quæ proprio nomine sponte carent.
    Ignem Mulciberum, Cererem frumenta vocabo,
    Et pluvium, in terras dum cadit unda, Jovem
    Si Venetas describam arces, molimine magno
    Non hominen dicam, sed posuisse deos.
    Illie Adriacis surgat Neptunus ab undis,
    Atque novæe admirans hæreat urbis opus.
    Quod si bella canam, Jani Mars limina vellat,
    Et bellatores ducat in arma deos.
    Mulciber Ætnæis recoquat fornacibus arma,
    Thracibus, aut rigidis arma tremenda Getis.
    Tuni scelerum inventrix lacera Discordia palla
    Advocet infernas ex Acheronte deas.
    Mox amnes trepidare, imis pallere sub antris,

    de la passion (p. 510) : prædam Tartari. Il est à remarquer que dans ces deux passages Corneille a évité en français les mots mythologiques.

  1. Var. (édit. in-4o) :
    Et leur mépris pour nous va-t-il jusqu’à son zèle ?
  2. Var. (édit. in-4o) :
    La fable qui la couvre attache et facilite
    À son éclat moins vif l’effet de son mérite :
    L’art de le faire voir consiste à le cacher.