Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 10.djvu/284

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Les consacrera mieux à l’immortalité.
De la maison du Roi l’escadre ambitieuse
Fend après tant de chefs la vague impétueuse,
Suit l’exemple avec joie ; et peut-être, grand Roi,
Avois-je là quelqu’un qui te servoit pour moi[1] : 280
Tu le sais, il suffit. Ces guerriers intrépides
Percent des flots grondants les montagnes liquides.
La tourmente et les vents font horreur aux coursiers[2] ;
Mais cette horreur en vain résiste aux cavaliers :
Chacun pousse le sien au travers de l’orage*, 285
Le péril redoublé redouble le courage ;
Le gué manque, et leurs pieds semblent à pas perdus
Chercher encor le fond qu’ils ne retrouvent plus[3] ;
Ils battent l’eau de rage, et malgré la tempête
Qui bondit sur leur croupe et mugit sur leur tête, 290
L’impérieux éclat de leurs hennissements
Veut imposer silence à ses mugissements :

    Alipedes, ventoque tumens immugiat unda,
    Invadunt fluvium. Strictis læva instat habenis,
    Dextera sublato micat ense, nec usus in armis
    Est super. At collum qua thorax pressior ambit,
    Ignivomos texere tubos, nitrataque flammæ
    Semina, ne madido vanescant uda liquore,
    Implicuere comis et summo in vertice gestant.
    Jam sola deseruere, et jam vacua omnia nutant
    Sub pedibus ; timido lymphas ruit ungula pulsu,
    Incertusque jubas sonipes quatit, et caput alto
    Arduus hinnitu : vix illum fræna coercent

  1. Un de ses fils : voyez ci-dessus, p. 188, note 4, et p. 189, note 2.
  2. « Il faisoit ce jour-là un vent fort impétueux, qui, agitant les eaux du Rhin, en rendoit l’aspect beaucoup plus terrible. » (Racine, Précis historique des campagnes de Louis XIV.)
  3. « Le terrain venant à manquer sous les pieds de leurs chevaux, ils les font nager, et approchent avec une audace que la présence du Roi pouvoit seule leur inspirer. » (Ibidem.)