Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 10.djvu/285

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Le gué renaît sous eux ; à leurs crins qu’ils secouent,
Des restes du péril on diroit qu’ils se jouent,
Ravis de voir qu’enfin leur pied mieux affermi, 295
Victorieux des flots, n’a plus qu’un ennemi.
Tout à coup il se montre, et de ses embuscades
Il fait pleuvoir sur eux cent et cent mousquetades ;
Le plomb vole, l’air siffle, et les plus avancés
Chancellent sous les coups dont ils sont traversés. 300
Nogent, qui flotte encor dans les gouffres de l’onde,
En reçoit dans la tête une atteinte profonde[1] :
Il tombe, l’onde achève, et l’éloignant du bord,
S’accorde avec le feu pour cette double mort.
Que vois-je ? les chevaux, que leur sang effarouche, 305
Bouleversent leur charge, et n’ont ni frein ni bouche,
El le fleuve grossit son tribut pour Thétis
De leurs maîtres et d’eux pêle-mêle engloutis.
Le mourant qui se noie à son voisin s’attache,

    Frendentem, et patulis ructantem naribus undas.
    His adeo incensis numero plausuque sequentum
    Ripa recedebat longe, mediumque tenebant
    Infrænum cursu vastaque voragine flumen.
    Ecce autem e latebris acies inimica repente
    Cum sonitu erumpens et barbarico ululatu,
    Adversum obvallat numeroso milite littus.
    Mox, patriam ulcisci quando pudor ultimus urget,
    Præcipitant in aquas, et certa in vulnera proni,
    Sulphureum excutiunt cannis feralibus imbrem.
    Fit fragor, ignito stridens it limite plumbum
    Nogenti in frontem : ruit ille, haustusque fluento,
    Morte perit gemina. Paribus cadit undique fatis
    Turba frequens, mixtique viris, passimque soluti
    Per medios rapiuntur equi ; spumantia fervent
    Cærula, et emotis exæstuat amnis arenis :

  1. Voyez ci-dessus, p. 270, note 6.