Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 10.djvu/318

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Dans ces délassements où tant d’art a paru, 35
Voyez-vous Aire prise[1], et Mastricht secouru ?
C’étoit là toutefois, c’étoit l’heureuse suite
Qu’y destinoit dès lors son auguste conduite.
Dans ce brillant amas de feux et de beautés,
Sa grande âme s’ouvroit à ses propres clartés : 40
Au milieu de sa cour au spectacle empressée,
La guerre s’emparoit de toute sa pensée ;
Et ce qui ne sembloit que nous illuminer
Lui montroit des remparts ailleurs à fulminer.
J’en prends Aire à témoin, et les mers de Sicile[2], 45
L’esprit de liberté qui règne en toute l’île,
L’âme du grand Ruiter, et ses vaisseaux froissés,
Sous l’abri de Sardaigne à peine ramassés[3].
Votre orgueil s’en console, ennemis de la France,
À revoir Philisbourg sous votre obéissance : 50
L’Empereur et l’Empire, unis à l’investir,
Enfin au bout d’un an ont su l’assujettir[4] ;
Mais l’effort d’une ligue en guerriers si féconde
Devoit y consumer moins de temps et de monde.
Il falloit, en dépit des plus hardis secours, 55
Comme notre Condé, le prendre en onze jours[5] ;

  1. Aire fut prise le 31 juillet 1676 par le maréchal d’Humières, pendant que le prince d’Orange assiégeait Maestricht, qui fut dégagé le 26 août par le maréchal de Schomberg.
  2. Dans le combat du 2 juin, le maréchal de Vivonne, qui avait battu dès le 25 mars sept mille Espagnols près de Messine, acheva de détruire dans la Méditerranée la flotte espagnole et hollandaise.
  3. Duquesne battit deux fois la flotte hollandaise commandée par Ruyter, qui mourut à Syracuse, des suites d’une blessure reçue dans le combat du 22 avril.
  4. Philisbourg, investi depuis la fin de mars, capitula le 9 septembre, et se rendit le 17, après soixante-dix jours de tranchée ouverte.
  5. Le grand Condé, alors duc d’Enghien, avait pris Philisbourg en septembre 1644.