Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 10.djvu/350

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Une postérité digne d’un si grand roi,
Qui fasse aimer ses lois chez la race future, 85
Et les donne pour règle à toute la nature.
C’est sur ce digne espoir de sa tendre amitié
Qu’il t’a choisi lui-même une illustre moitié.
Ses ancêtres ont su de plus d’une manière
Unir le sang de France à celui de Bavière ; 90
Et l’heureuse beauté qui t’attend pour mari
Descend ainsi que toi de notre grand Henri :
Vous en tirez tous deux votre auguste origine,
L’un par Louis le Juste, et l’autre par Christine,
En degré tout pareil[1]. Ses aïeux paternels 95
Firent avec les tiens ligue pour nos autels,
Joignirent leurs drapeaux contre le fier insulte[2]
Que Luther et sa secte osoient faire au vrai culte ;
Et Prague du dernier vit les fameux exploits
De Rome dans ses murs faire accepter les lois[3]. 100
Ils ont assez donné de Césars à l’Empire,
Pour en donner encor, s’il en falloit élire[4] ;

  1. Le père de la Dauphine était Ferdinand Marie, électeur de Bavière, et sa mère Henriette-Adélaïde de Savoie, fille du duc Victor-Amédée et de Christine de France, dont les parents étaient Henri IV et Marie de Médicis. — Le grand-père paternel de la Dauphine, Maximilien I, premier électeur de Bavière, avait aussi épousé (en premières noces) une petite-fille de France, Élisabeth, fille de Charles duc de Lorraine et de Claude de France.
  2. À cette époque ce mot était encore quelquefois masculin. Voyez le Lexique.
  3. Maximilien I remporta le 8 novembre 1620 une victoire complète sur l’armée de Frédéric, roi de Bohême, sous les murs de Prague, s’empara de la ville, et réduisit en peu de jours la Bohème sous l’obéissance de l’Empereur.
  4. La maison de Bavière avait donné deux empereurs à l’Allemagne : Louis V au commencement du quatorzième siècle, et Robert dans les dix premières années du quinzième. La prédiction de Corneille, « pour en donner encore, » faillit s’accomplir au dix-huitième. Charles-Albert se fit couronner empereur à Francfort, en 1742, sous