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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 10.djvu/361

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Se dérobe à votre œil, se sentant approchée ;
Bref, de ces raretés le plus grand partisan 135
Satisfait son génie, y treuvant le faisan.
Ainsi de tous côtés cette petite place
Fourniroit au besoin les plaisirs de la chasse.
Mais surtout l’excellence et le coup de l’ami,
C’est de trouver un lièvre en son gîte endormi : 140
À peine y sauroit-on faire une pourmenade,
Qu’on n’en pousse quelqu’un devers la palissade,
Où par divers endroits pratiqués à dessein,
Aisément du chasseur il échappe la main.
C’est où Flore et Pomone entretiennent Diane, 145
Qui se vient délasser dedans cette garenne[1].
Enfin ce lieu charmant, si fertile en beautés,
A de quoi contenter ces trois divinités.
Pas à pas on se rend près d’une autre barrière,
En façon, en couleur, semblable à la première, 150
Où de chaque côté la verdure au niveau
Fait d’excellents tapis de charme et de fouteau[2].
Mais cette salle verte est bien plus accomplie
Par les charmes puissants d’une muse polie
Qui dessus une porte a fait graver au net, 155
Ou peut-être Apollon lui-même, ce sonnet :

Vois à loisir ce lieu champêtre ;
Les jours y coulent sans ennuis :
Tâche, si tu peux, de connoître
Tant d’herbes, de fleurs et de fruits. 160

Ces animaux que tu poursuis,
Ces oiseaux que tu vois paroître,
Dans ce bel enclos sont réduits
Par les soins et l’art de son maître.

Jette après la vue au dehors, 165
Et voyant avec quels efforts
La nature à l’envi le pare,
 

  1. Ce mot est bien imprimé ainsi garenne, mais on le prononçait alors très-souvent garanne. Richelet met dans son Dictionnaire : « Garanne, garenne, s. f. On dit garenne, et non pas garanne ; voiez Garenne. — Garannier, garennier, on dit l’un et l’autre, mais garannier est présentement plus en usage que garennier. » On voit combien la prononciation de ces mots était encore incertaine vers 1680.
  2. De hêtre.