Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 10.djvu/363

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L’estime qu’on en fait est bien plus assurée.
La Seine en divers lieux bat le pied des rochers ;
L’œil en se promenant[1] découvre huit clochers[2] 210
Dont les noms par hasard terminés tous en ville
Semblent servir de rime à celui d’Hénouville.
Il me semble, Tircis, d’un second Hélicon
Où l’on va recueillir les faveurs d’Apollon,
Puisqu’au pied de ce mont ceux qu’échauffe sa veine, 215
Pour éteindre leur soif, rencontrent la fontaine
Qui leur va prodiguant ses salutaires eaux
Pour exciter leur verve à dire mots nouveaux.
Mais quand l’heure avertit de faire la retraite,
Ce qui rend de nouveau l’âme plus satisfaite 220
Est que la même porte offre à lire, au retour,
Cet autre beau sonnet, digne à jamais du jour :

L’art n’a point fait ce que tu vois,
Et la nature toute nue
Étale ici tout à la fois 225
Ses plus doux charmes à ta vue.

Vois la campagne, en deux endroits,
S’ouvrir à la Seine épandue ;
Vois les montagnes et les bois
En borner la vaste étendue ; 230

Et puis, faisant comparaison
Des raretés de la maison
Où ton âme s’est divertie,

Dis tout haut qu’un lieu si charmant
Méritoit bien à sa sortie 235
Ce merveilleux assortiment.

C’est ainsi, cher Tircis, que vit le grand Timandre
Dont tu vois le renom en tous lieux se répandre :
Loin du bruit de la cour, vivant sous d’autres lois,
Sans perdre la faveur qu’il a près de nos rois, 240

  1. Il y a bien ici promenant, quoiqu’il y ait plus haut, vers 141, pourmenade.
  2. Une note manuscrite récente, qui se trouve sur l’exemplaire de la bibliothèque de Rouen, désigne ainsi ces huit clochers : Bardouville, Yville, Anneville, Berville, Ambourville, Barneville, Bocherville, Saint-Pierre de Manneville. Ce dernier nom est accompagné d’un point d’interrogation qui indique sans doute que la personne qui a écrit cette note n’était pas bien certaine de cette dernière attribution.