Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 10.djvu/375

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douter de l’exactitude de cette attribution quand on remarque la différence de ton qui existe entre la pièce de vers Sur le départ de Madame la marquise de B. A. T. et celle qui nous occupe actuellement. Dans la première Corneille, le Corneille du Cid et de l’Excuse à Ariste, dit (vers 57 et 58) :

… Vous aimez la gloire, et vous savez qu’un roi
Ne vous en peut jamais assurer tant que moi ;

tandis que l’auteur de l’élégie qu’on va lire se regarde comme un captif indigne des chaînes d’Iris :

Iris, je vais parler, c’est trop de violence.
Il est temps que mon feu se dérobe au silence[1],
Et qu’il fasse échapper au respect qui me nuit
L’aveu du triste état où vous m’avez réduit.
Depuis le jour fatal que pour vous je soupire, 5
Mes yeux se sont cent fois chargés de vous le dire,
Et cent fois, si mon mal vous pouvoit émouvoir,
Leur mourante langueur vous l’auroit fait savoir.
Mais les vôtres, partout certains de leur victoire,
D’une obscure conquête estiment peu la gloire, 10
Et veulent, pour daigner en faire part au cœur,
Que l’éclat du triomphe en apporte au vainqueur.
C’est par là que jaloux de l’orgueil qui l’inspire,
Ce cœur n’a point sur moi reconnu son empire ;
Que mettant ma défaite au-dessous de ses soins, 15
Il en a récusé mes soupirs pour témoins,
Et craint de s’exposer, s’il avouoit mes peines,
À rougir d’un captif indigne de vos chaînes[2].
Je le confesse, Iris, il n’est point parmi nous
De mérite assez haut pour aller jusqu’à vous. 20
À voir ce que je suis, tout mon espoir chancelle ;
Mais le peu que je vaux ne vous rend pas moins belle :
J’ai des yeux comme un autre à me laisser charmer ;
J’ai comme un autre un cœur ardent à s’enflammer ;
Et dans les doux appas, dont vous êtes pourvue, 25

  1. Var. Il faut qu’enfin mon feu se dérobe au silence,
    Et qu’il fasse échapper au respect qui lui nuit.
    (Manuscrits de Conrart.)
  2. Var. À rougir du captif qui languit dans vos chaînes.
    (Manuscrits de Conrart.)