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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 10.djvu/386

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Si j’en crois ses amis, c’est un savant abbé ;
Si j’en crois ses écrits, ce n’est qu’un pauvre prêtre[1].

« Cependant son livre ne se vend point ; quand il seroit moins désagréable, il auroit de la peine à en avoir le débit, car les libraires ne sont pas pour lui. Ils disent une plaisante chose : Corneille, dans un in-folio qu’il a fait imprimer depuis cette querelle, s’est tait mettre en taille-douce, foulant l’Envie sous ses pieds. Ils disent que cette Envie a le visage de l’abbé d’Aubignac[2]. Cependant Corneille, d’assez bonne foi, reconnoît dans de certains discours au devant de ses pièces les fautes qu’il a faites ; mais j’aimerois mieux qu’il eût tâché de faire disparoître celles qui étoient les plus aisées à corriger. En vérité il a plus d’avarice que d’ambition, et pourvu qu’il en tire bien de l’argent, il ne se tourmente guère du reste. L’abbé s’opiniâtre, et est si fou que de faire imprimer les autres volumes, à ses dépens s’entend, car, quand il le voudroit, je ne crois pas que personne les imprimât pour rien. On dit qu’il pourroit bien apprendre aux fous un nouveau moyen de se ruiner ; car il y a plusieurs volumes, et cela coûtera bon. Il fit et fit faire quantité d’épigrammes contre Corneille, qui toutes ne valoient rien ; on n’a pas daigné en prendre copie[3]… »

  1. Cette épigramme figure à la page 20 d’un recueil intitulé : les Plaisirs de la poésie galante, gaillarde et amoureuse, petit volume in-12, dont le frontispice gravé ne porte ni adresse ni date, et qui est catalogué à la bibliothèque de l’Arsenal sous le no 9262 B. Dans ce recueil l’épigramme qui nous occupe est signée Corneille, et sur cette autorité M. Paul Lacroix la lui a attribuée dans le Bulletin du bouquiniste du 1er décembre 1863, p. 694. Il n’a pas remarqué que Tallemant la donne comme étant de Cottin. Elle a peut-être été signée d’abord de l’initiale C, et il aura suffi de la mauvaise intelligence de d’Aubignac et de Corneille pour la faire attribuer à ce dernier.
  2. Ce frontispice se trouve en tête de l’édition publiée en 1663, en 2 vol. in-folio. M. Taschereau dit avec beaucoup de raison, à propos de ce passage des Historiettes : « Il est évident que Tallemant n’avait pas vu ce frontispice, et qu’il se bornait à enregistrer ce qu’il avait entendu dire. Il ne l’avait pas vu, car il y place en pied Corneille, lequel n’y figure qu’en buste, et c’est la Muse de la tragédie qui écrase l’Envie, à laquelle le graveur a donné en effet des traits masculins. Ces traits étaient-ils bien ceux de d’Aubignac, de qui il ne nous reste que deux portraits dissemblables ? Tallemant ne s’est pas mis à même de pouvoir nous le garantir, et nous ne sommes pas en mesure d’éclaircir aujourd’hui ce qu’il n’a pas vérifié. »
  3. Ici vient le morceau relatif à Othon que nous avons reproduit dans la Notice sur cette pièce, tome VI, p. 567 et 568 ; puis un autre passage reproduit ci-dessus, p. 183.