Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 10.djvu/415

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sur un ouvrage de deux mille[1], et que ceux qui s’y connoissent n’appelleront jamais de simples traductions ; vous avez déclamé contre moi, pour avoir tu le nom de l’auteur espagnol, bien que vous ne l’ayez appris que de moi, et que vous sachiez fort bien que je ne l’ai celé à personne, et que même j’en ai porté l’original en sa langue à Monseigneur le Cardinal, votre maître et le mien ; enfin vous m’avez voulu arracher en un jour ce que près de trente ans d’étude m’ont acquis[2] ; il n’a pas tenu à vous que du premier lieu, où beaucoup d’honnêtes gens me placent, je ne sois descendu au-dessous de Claveret[3] ; et pour réparer des offenses si sensibles, vous croyez faire assez de m’exhorter à vous répondre sans outrages[4], pour nous repentir après tous deux de nos folies, et de me mander impérieusement que malgré nos gaillardises passées, je sois encore votre ami, afin que vous soyez encore le mien, comme si votre amitié me devoit être fort précieuse après cette incartade, et que je dusse prendre garde seulement au peu de mal que vous m’avez fait, et non pas à celui que vous m’avez voulu faire. Vous vous plaignez[5] d’une Lettre à Ariste[6], où je ne vous ai point fait de

  1. Le Cid, sous sa forme dernière et définitive, a 1840 vers ; un peu plus dans les premières éditions (1637-1656).
  2. Il y a ici une exagération qui a été vivement relevée dans la Lettre du sieur Claveret au sieur Corneille. Voyez notre tome I, p. 130.
  3. Ce fut cette phrase qui attira à Corneille les pamphlets de Claveret. Voyez tome III, p. 26 et suivantes.
  4. Voyez ci-dessus la fin de la note 2, p. 400. Du reste ici déjà, et surtout dans les phrases qui vont suivre, Corneille répond principalement aux lettres qui le venaient quereller jusque dans son cabinet (voyez le commencement de la Lettre apologétique), et que nous ne connaissons que par ce qu’il nous en dit.
  5. Dans la réimpression (de 1637) : « Vous vous plaigniez. »
  6. C’est l’Excuse à Ariste. Voyez ci-dessus, p. 74. Voici en quels termes Scudéry fait allusion à l’Excuse à Ariste dans ses Observa-