Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 10.djvu/416

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tort de vous traiter d’égal, puisqu’en vous montrant mon envieux[1] vous vous confessez moindre, quoique vous nommiez folies les travers[2] d’auteur où vous vous êtes laissé emporter, et que le repentir que vous en faites paroître marque la honte que vous en avez[3]. Ce n’est pas assez de dire : « Soyez encore mon ami, » pour recevoir une amitié si indignement violée : je ne suis point homme d’éclaircissement[4] ; vous êtes en sûreté de ce côté-là.

    tions (p. 4) : « Quand j’ai vu… qu’il se déifioit d’autorité privée, qu’il parloit de lui, comme nous avons accoutumé de parler des autres ; qu’il faisoit même imprimer les sentiments avantageux qu’il a de soi, et qu’il semble faire croire qu’il fait beaucoup d’honneur aux plus grands esprits de son siècle de leur présenter la main gauche, j’ai cru que je ne pouvois sans injustice et sans lâcheté abandonner la cause commune. »

  1. Tel est le texte des éditions originales. On y a substitué dans les éditions modernes : « moins envieux. »
  2. Il n’y a point travers, mais travées, dans les éditions originales. Ce mot paraît bien être le résultat d’une mauvaise lecture des imprimeurs. Mais nous devons dire que travers, donné par toutes les éditions modernes, ne se trouve avec l’acception qu’il aurait ici dans aucun des dictionnaires du temps. Richelet (1679) lui attribue, dans la conversation familière, le sens de disgrâce, accident, malheur. Nicot, au commencement du siècle, Furetière et l’Académie, à la fin, ne mentionnent de ce terme, pris substantivement, aucun emploi figuré. Toutefois nous en trouvons deux exemples de la Bruyère : un premier au chapitre des Grands, no 53 : « travers d’esprit ; » un second dans ce passage que cite le Dictionnaire de Trévoux, et où le sens du mot serait, ce semble, assez voisin de celui qu’il aurait ici dans Corneille : « Je ne suis point d’humeur à essuyer vos travers. »
  3. Ceci répond encore aux lettres particulières de Scudéry, et non à ses Observations.
  4. On a cru que par ces mots Corneille déclarait qu’il ne se battrait pas, et on a voulu en conclure qu’il avait peur de Scudéry. Cet endroit est tout simplement une allusion à ce passage des Observations (p. 45 et 46), qui est relatif à la scène i de l’acte II, entre don Arias et le Comte : « L’auteur me permettra de lui dire qu’on voit bien qu’il n’est pas homme d’éclaircissement ni de procédé. Quand deux grands ont querelle et que l’un est offensé à l’honneur, ce sont des oiseaux qu’on ne laisse point aller sur leur foi. »