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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/135

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serait Florame qui l’introduirait dans la pièce, et il y serait appelé par un acteur agissant dès le commencement. Clarimond, qui ne paraît qu’au troisième, est insinué dès le premier, où Daphnis parle de l’amour qu’il a pour elle, et avoue qu’elle ne le dédaignerait pas s’il ressemblait à Florame. Ce même Clarimond fait venir son oncle Polémon au cinquième ; et ces deux acteurs ainsi sont exempts du défaut que je remarque en Géraste. L’entretien de Daphnis, au troisième, avec cet amant dédaigné, a une affectation assez dangereuse, de ne dire que chacun un vers à la fois ; cela sort tout à fait du vraisemblable, puisque naturellement on ne peut être si mesuré en ce qu’on s’entredit. Les exemples d’Euripide et de Sénèque pourraient autoriser cette affectation, qu’ils pratiquent si souvent, et même par discours généraux, qu’il semble que leurs acteurs ne viennent quelquefois sur la scène que pour s’y battre à coups de sentences : mais c’est une beauté qu’il ne leur faut pas envier. Elle est trop fardée pour donner un amour raisonnable à ceux qui ont de bons yeux, et ne prend pas assez de soin de cacher l’artifice de ses parures, comme l’ordonne Aristote. Géraste n’agit pas mal en vieillard amoureux, puisqu’il ne traite l’amour que par tierce personne, qu’il ne prétend être considérable que par son bien, et qu’il ne se produit point aux yeux de sa maîtresse, de peur de lui donner du dégoût par sa présence. On peut douter s’il ne sort point du caractère des vieillards, en ce qu’étant naturellement avares, ils considèrent le bien plus que toute autre chose dans les mariages de leurs enfants, et que celui-ci donne assez libéralement sa fille