Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/192

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De votre confidence apprît cette chimère ?

Amarante.

S’il croit que vous l’aimez, c’est sur quelque soupçon
Où je ne contribue en aucune façon.
Je sais trop que le ciel, avec de telles grâces,
Vous donne trop de cœur pour des flammes si basses ;
Et quand je vous croirais dans cet indigne choix,
Je sais ce que je suis et ce que je vous dois.

Daphnis.

Ne tranchez point ainsi de la respectueuse :
Votre peine après tout vous est bien fructueuse ;
Vous la devez chérir, et son heureux succès
Qui chez nous à Florame interdit tout accès.
Mon père le bannit et de l’une et de l’autre.
Pensant nuire à mon feu, vous ruinez le vôtre.
Je lui viens de parler, mais c’était seulement
Pour lui dire l’arrêt de son bannissement.
Vous devez cependant être fort satisfaite
Qu’à votre occasion un père me maltraite ;
Pour fruit de vos labeurs si cela vous suffit,
C’est acquérir ma haine avec peu de profit.

Amarante.

Si touchant vos amours on sait rien de ma bouche,
Que je puisse à vos yeux devenir une souche !
Que le ciel…

Daphnis.

Que le ciel… Finissez vos imprécations.
J’aime votre malice et vos délations.
Ma mignonne, apprenez que vous êtes déçue :
C’est par votre rapport que mon ardeur est sue ;
Mais mon père y consent, et vos avis jaloux
N’ont fait que me donner Florame pour époux.