Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/256

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ALIDOR, lit la lettre entre les mains d’Angélique.
LETTRE SUPPOSÉE D’ALIDOR À CLARINE.

Clarine, je suis tout à vous ;
Ma liberté vous rend les armes :
Angélique n’a point de charmes
Pour me défendre de vos coups ;
Ce n’est qu’une idole mouvante ;
Ses yeux sont sans vigueur, sa bouche sans appas :
Alors que je l’aimais, je ne la connus pas[1] ;
350Et de quelques attraits que ce monde vous vante[2],
Vous devez mes affections
Autant à ses défauts qu’à vos perfections.

ANGÉLIQUE.

Eh bien, ta perfidie est-elle en évidence[3] ?

ALIDOR.

Est-ce là tant de quoi ?

ANGÉLIQUE.

Est-ce là tant de quoi ?Tant de quoi ? l’impudence !
355Après mille serments il me manque de foi,
Et me demande encor si c’est là tant de quoi !
Change, si tu le veux ; je n’y perds qu’un volage ;
Mais en m’abandonnant, laisse en paix mon visage ;
Oublie avec ta foi ce que j’ai de défauts ;
360N’établis point tes feux sur le peu que je vaux ;
Fais que, sans m’y mêler, ton compliment s’explique,
Et ne le grossis point du mépris d’Angélique.

ALIDOR.

Deux mots de vérité vous mettent bien aux champs !

ANGÉLIQUE.

Ciel, tu ne punis point des hommes si méchants !

  1. Var. Quand je la crus d’esprit, je ne la connus pas. (1637-57)
  2. Var. Et de quelques attraits que le monde vous vante. (1637-68)
  3. Var. Eh bien ! ta trahison est-elle en évidence ? (1637-57)