Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/278

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Rendent des criminels aisément innocents !
765Je n’y puis résister, quelque effort que je fasse ;
Et de peur de me rendre, il faut quitter la place[1].

ALIDOR la retient comme elle veut s’en aller[2].

Quoi ! votre amour renaît, et vous m’abandonnez[3] !
C’est bien là me punir quand vous me pardonnez.
Je sais ce que j’ai fait, et qu’après tant d’audace
770Je ne mérite pas de jouir de ma grâce ;
Mais demeurez du moins, tant que vous ayez su
Que par un feint mépris votre amour fut déçu,
Que je vous fus fidèle en dépit de ma lettre ;
Qu’en vos mains seulement on la devoit remettre ;
775Que mon dessein n’alloit qu’à voir vos mouvements,
Et juger de vos feux par vos ressentiments.
Dites, quand je la vis entre vos mains remise,
Changeai-je de couleur ? eus-je quelque surprise ?
Ma parole plus ferme et mon port assuré
780Ne vous montroient-ils pas un esprit préparé[4] ?
Que Clarine vous die, à la première vue
Si jamais de mon change elle s’est aperçue.
Ce mauvais compliment flattoit mal ses appas[5] ;
Il vous faisoit outrage, et ne l’obligeoit pas ;
785Et ses termes piquants, mal conçus pour lui plaire,
Au lieu de son amour, cherchoient votre colère.

ANGÉLIQUE.

Cesse de m’éclaircir sur ce triste secret[6] ;
En te montrant fidèle, il accroît mon regret :

  1. Var. Comme vaincue il faut que je quitte la place. (1637-57)
  2. Var. Elle veut sortir du cabinet, mais Alidor la retient. (1637, en marge.) — Alidor, la retenant. (1644-60)
  3. Var. Ma chère âme, mon tout, quoi ! vous m’abandonnez ! (1637-57)
  4. Var. Ne vous montroit-il pas un esprit préparé ? (1652-57)
  5. Var. Aussi mon compliment flattoit mal ses appas :
    Il vous offensoit bien, mais ne l’obligeoit pas. (1637-57)
  6. Var. Cesse de m’éclaircir dessus un tel secret. (1637-57)