Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/277

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Cherches-tu de la joie à même mes douleurs ?
Et peux-tu conserver une âme assez hardie
Pour voir ce qu’à mon cœur coûte ta perfidie ?
Après que tu m’as fait un insolent aveu
740De n’avoir plus pour moi ni de foi ni de feu,
Tu te mets à genoux, et tu veux, misérable,
Que ton feint repentir m’en donne un véritable ?
Va, va, n’espère rien de tes submissions[1] ;
Porte-les à l’objet de tes affections ;
745Ne me présente plus les traits qui m’ont déçue ;
N’attaque point mon cœur en me blessant la vue.
Penses-tu que je sois, après ton changement,
Ou sans ressouvenir, ou sans ressentiment ?
S’il te souvient encor de ton brutal caprice,
750Dis-moi, que viens-tu faire au lieu de ton supplice ?
Garde un exil si cher à tes légèretés :
Je ne veux plus savoir de toi mes vérités.
Quoi ! tu ne me dis mot ! Crois-tu que ton silence
Puisse de tes discours réparer l’insolence ?
755Des pleurs effacent-ils un mépris si cuisant ?
Et ne t’en dédis-tu, traître, qu’en te taisant ?
Pour triompher de moi veux-tu, pour toutes armes,
Employer des soupirs et de muettes larmes ?
Sur notre amour passé c’est trop te confier[2] ;
760Du moins dis quelque chose à te justifier ;
Demande le pardon que tes regards m’arrachent ;
Explique leurs discours, dis-moi ce qu’ils me cachent.
Que mon courroux est foible ! et que leurs traits puissants

    Après qu’effrontément ton aveu m’a fait voir
    Qu’Angélique sur toi n’eut jamais de pouvoir,
    [Tu te mets à genoux, et tu veux, misérable.] (1637-57)

  1. Var. Va, va, n’espère rien de ces submissions. (1637-48)
    Var. Va, va, n’espère rien de ses submissions. (1652-57)
  2. Var. Sur notre amour passé c’est à trop te fier. (1637)
    Var. Sur notre amour passé c’est là trop te fier. (1644-57)